La part du dessin
A text by Alessandra Fanari
If you look closely at the essential purity of objects designed by Pierre Charpin, you will notice
a form of discretion, or even frailty. This delicacy is characteristic of a presence that beckons to us rather than pose as a sign. This “poetic” trait in his work is contributed by drawing.
Indeed, for Pierre Charpin, drawing has never been just a step in the object production process.
It is a practice in its own right which, on the one hand, singles out his signature and, on the other, reflects a relationship more innate to the form.
This is why in recent years the corpus of his work includes — along with sketches of objects finalised upon production — “drawings of drawings”.
Produced in large formats, these aspire to no further reality than their own.
In series of four, of three or sometimes alone, these drawings provide the opportunity of a direct and immediate approach to the world of forms, in line with his artistic training. For it is first and foremost through drawing that a world emerges, appearing before us. Drawing acquires poetic power through the simple economy of its means — a pencil, a surface — and its desire to bring forth the form. Poiesis, in ancient Greek, tells of the creation of a world… by the power of the gods, by the hand of man.
Free from the constraints of production, without any other purpose than that imposed by their own momentum, the forms drawn by Pierre Charpin unfold in playful freedom.
This is a search, a journey of hand and thought towards a form that is not yet clear, although he may perhaps glimpse it. By endless repetitions of the same gesture, by chromatic variations on the same line or the same point, this tension becomes a plastic strength, an inner dynamism which involves the viewer’s eye in the emergence of form.
This is where intimate and solitary pleasure turns into a silent and discreet invitation to read between the lines, and beyond the lines, before any shape occurs, the sheer spectacle of art in the making.
Alessandra Fanari, 2013
La part du dessin
Un texte d’Alessandra Fanari
Si l’on regarde de près la pureté essentielle des objets de Pierre Charpin, on y remarquera une discrétion, peut-être une fragilité. Cette délicatesse est le propre d’une présence qui nous fait signe plutôt que de s’imposer comme signe. Ce trait « poétique » est dans son travail la part du dessin.
Car dessiner pour Pierre Charpin n’a jamais été simplement une étape dans le processus de production de l’ objet – mais une pratique à part entière qui, si elle fait d’un côté la singularité de sa signature, traduit de l’autre une relation plus originaire à la forme. C’est pour cela que depuis quelques années le corpus de son travail intègre à côté des croquis d’objets, finalisés à la production, des « dessins de dessins ». Ces derniers réalisés en grand format n’aspirent à aucune autre réalité que celle qui leur est propre. En série de quatre, de trois ou parfois seuls les dessins représentent dans une continuité avec sa formation artistique, la possibilité d’une approche directe et immédiat à l’univers des formes. Car c’est d’abord par le dessin qu’un monde émerge, apparaît devant nous. Dans l’économie simple de ses moyens – un crayon, une surface – dans son désir de faire venir la forme, le dessin est puissance poétique. Poiesis, en grec ancien, raconte de la création d’un monde… par la puissance des dieux, par la main des hommes.
Suspendues des contraintes de la production, sans finalité autre que celle imposée par leur propre élan, les formes dessinées par Pierre Charpin se déploient dans un jeu libre. Une recherche, un cheminement de la main et de la pensée vers une forme qu’il ne voit pas encore, qu’il entrevoit peut-être. Cette tension devient par la répétition infinie du même geste, par la variation chromatique d’une même ligne ou du même point, puissance plastique, dynamisme interne qui implique l’oeil du spectateur dans l’émergence de la forme. C’est ici que le plaisir, intime et solitaire, se transforme dans une invitation, silencieuse et discrète. Une invitation à voir entre les lignes, au-delà des lignes, avant toute apparition, le pur spectacle de l’apparaître.
Alessandra Fanari, 2013